Les ateliers et les cours de manga apportent bien au-delà aux participants, que la seule maîtrise de techniques artistiques.
Chez Quartier Japon, nous en sommes désormais persuadés !
Déjà, depuis plusieurs années, les parents, les participants eux-mêmes, comme leurs proches, nous ont souvent fait remarquer combien les cours de manga faisaient changer leurs enfants / les faisaient changer eux-mêmes.
Une maman avait été la première, en attendant son fils le soir du dernier jours d’un stage à Noël, en nous demandant « qu’est-ce que vous avez fait à mon fils ? », en le voyant aller d’un participant à un autre, montrer ses dessins et regarder les dessins des autres, alors qu’il était, 5 jours auparavant, timide et réservé.
D’autres mamans avaient été elles aussi pareillement fortes surprises de voir leur enfant évoluer, prendre confiance en lui et s’ouvrir, d’autant qu’il s’agissait d’enfants rencontrant des difficultés parfois mêmes psychiatriques ou catalogués comme autistes.
Depuis, et encore plus pendant et après la période éprouvante de la pandémie de Covid 19 et des différents confinements, les parents et les jeunes nous ont fait part de leur joie de pouvoir participer à des activités manga, même en distanciel, et encore plus en présentiel. Cela se traduit notamment dans un volume d’inscriptions sans précédent depuis la fin du dernier confinement en juin 2021 !
Cette fois, j’ai eu envie de vous présenter différents participants, avec leurs particularités qui peuvent les distinguer de la majorité de nos élèves. Pour avoir une vision élargie, j’ai également interviewé leurs parents et David, leur professeur.
Maëla P. – l’abeille qui butine auprès de nombreuses sources.
Maëla, née le 22 janvier 2004 (17 ans)
Interview le 21 octobre 2021.
Après un stage de japonais, en cours collectifs, en décembre 2018, Maëla s’est inscrite à un cours collectif de japonais pour adolescents, dès janvier 2019, en intégrant en cours d’année une classe ayant débutée en septembre 2018. Après un premier atelier un dimanche de fin janvier, elle a participé à un stage collectif de manga aux vacances suivantes, en février, avril et fin août 2019. A la rentrée de septembre 2019, Maëla poursuit sa formation en japonais, via des cours semi-privés, avec une autre élève des cours de manga, ainsi que sa formation en manga, dans le cadre de la formation annuelle de Quartier Japon, renforcée par des stages pendant les vacances scolaires. Depuis, Maëla a mis en suspens sa formation en japonais mais poursuit sa formation en manga, en renouvelant son inscription à la formation annuelle de mangaka et à certains stages manga pendant les congés scolaires.
Quartier Japon : « Qui es-tu ? Tu ne vas pas en cours au lycée ? »
Maëla P. : « Je suis en terminale au CNED et je vais passer le bac. Je fais l’école à la maison car quand je suis arrivée au lycée en seconde, j’en ai eu marre ; le lycée ce n’est pas bien. Mon père m’avait parlé du Cned avant que j’entre au lycée, mais je ne voulais pas trop m’y inscrire car je voulais rester avec mes amis du collège en entrant au lycée.
Quand entrée au lycée, en dehors des cours, je ne faisais rien ; j’allais juste à Quartier Japon, car à Quartier Japon (QJ), je pouvais faire ce que je voulais : je dessinais, je me faisais des nouveaux potes et il y avait la bonne ambiance de QJ.
Depuis que je suis au Cned, je sors plus, je dessine plus ; j’en suis très contente d’autant que j’ai pu voir l’évolution de mon style de dessin depuis la Covid.
Q.J. « Tu as pu voir ton évolution dans le dessin depuis à partir l’été 2020, après le premier confinement ? Tu ne sais pas ce qui s’est passé, qui expliquerait cette évolution ? »
M.P. : « J’ai une idée : Pour commencer je vais expliquer l’histoire de ma progression en dessin. Lors de mon premier stage, j’ai appris à faire plein de choses ; des visages, des corps… Puis, en prenant des cours à l’année, j’ai beaucoup appris et progressé. Plus tard, en avril 2020, pendant le premier confinement, j’étais enfermée. J’étais même toute seule avec mon frère pendant trois semaines lors des vacances d’été car nos parents étaient partis en Bretagne. Mes journées consistaient donc à regarder des animés, Youtube, et surtout beaucoup dessiner ; ce qui a fait évoluer mon style : je dessinais de façon plus détaillée qu’auparavant. D’ailleurs, à la fin du stage de l’été 2020, David a dit que mon style était plus mâture qu’auparavant.
Depuis que je suis au Cned, je dessine et j’ai appris plein de choses différentes via des sources différentes notamment Youtube. Cela m’a permis de combiner les éléments qui me plaisent dans le style de plein d’artistes différents, pour les incorporer au mien. Avec David, j’ai plutôt appris la technique : la perspective, l’anatomie, la composition d’une image, faire des planches manga..., et mon style, je l’ai pris d’autres artistes. C’est cette fusion qui m‘a permis de progresser.
A Quartier Japon, l’ambiance est super bien, on est assez solidaire les uns et les autres ; David pousse d’ailleurs à cela. Globalement, on a cette mentalité positive d’entraide et de volonté de progresser. Par exemple, quand on voit d’anciens élèves qui passent saluer David et voir les élèves : voir leur niveau de dessin (à ces anciens élèves) nous donne envie de faire comme eux - on a envie de s’améliorer pour dessiner aussi bien. Ça nous motive plutôt que de nous décourager. On ne se dit pas « Ils dessinent trop bien ; on n’arrivera jamais à dessiner comme eux » !
On raisonne plutôt dans l’optique de progresser.
Q.J. « Pourquoi tu as choisi le manga ou le dessin ? »
M.P. : « Mon grand frère était à fond dans les shônen comme Naruto, Dragon Ball Z ou Hunter x Hunter. Mes premiers animés, Shaman King et Pokemon, je les ai regardés grâce à mon frère sans savoir que c’était des animés. Pour moi, c’était plus des dessin-animé. Quand j’étais en primaire, je regardais Fairy Tail avec mes deux meilleures amies. C’est le premier animé que j’ai vu en sachant que c’était adapté d’un manga.
L’animé qui m’a mis à fond dans cet univers, c’est Fullmetal Alchemist Brotherhood. Je l’ai vu grâce à mon frère et c’est un de mes animés préférés encore aujourd’hui. Ses amis, qui adoraient aussi les mangas et animés, m’ont aussi influencée car j’étais toujours avec eux.
Par la suite, je me suis faite des potes qui étaient fan d’animés. Donc on peut dire c’est de mon entourage qu’est née cette passion.
J’aime aussi beaucoup le style graphique. Je regarde plus d’animés aussi grâce au format de 20mn par épisode. Si cela avait été à un format d’une heure comme la plupart des séries, cela aurait été trop long. 1h pour un épisode, j’ai du mal ; pourtant je peux regarder à la suite plusieurs épisodes de 20mn... Aussi, je préfère une œuvre d’animation plutôt qu’avec de vrais acteurs visuellement et esthétiquement parlant. C’est sûrement car j’aime dessiner.
Je n’ai jamais eu la télé sauf chez mes grands-parents en Bulgarie et je regardais donc les dessins-animés que tous mes amis regardaient qu’une fois par an, pendant les vacances.
Q.J. « Qu’est-ce que ça t’a apporté la formation de manga (chez Quartier Japon) ? »
M.P. : « J’ai appris plein de choses. Mis à part ça, même si je reste timide, je m’exprime plus facilement, je vais plus facilement vers les gens ; ce sont des gens qui ont les mêmes centres d’intérêts que moi ; donc c’est plus facile.
Il y a trois semaines, j’ai participé à ma première convention !
Au début, j’étais très stressée, car des personnes devaient me payer pour réaliser leur portrait. D’habitude, je dessine seule et très lentement. Mais cette fois, j’étais entourée de plein de gens, je devais dessiner vite, avec beaucoup de contraintes, pour des gens qui me payent… J’avais beaucoup de responsabilités !
Finalement, j’ai passé six heures assise sur ma chaise à dessiner à fond et c’était cool ! Il y avait des gens de pleins d’âges différents : un petit dont la maman lui a payé son portrait, des adolescents, une dame qui a voulu que je fasse le portrait de sa nièce…
J’avais mis en vente deux posters que j’avais dessinés avant la convention : je ne les ai pas vendus mais j’ai eu des compliments dessus et ça m’a fait très plaisir !
Parfois, j’essayais de parler aux gens ; on a discuté un peu. Mais j’avais peur de ne pas terminer leur portrait à temps, donc je n’interagissais pas trop avec les autres.
Il y a deux personnes qui ne m’ont pas payée, mais c’est de ma faute car je ne le leur avais pas demandé au moment de la commande. Une personne m’a commandé un portrait et elle a même voulu, ensuite, me donner une commande mais j’ai refusé : je n’aime pas quand on m’impose quoi dessiner car ça ne m’intéresse pas forcement et au final je ne suis pas satisfaite de ce que je fais. J’ai aussi beaucoup de mal avec les deadlines.
En convention, je n’ai pas le choix de faire autre chose que des portraits, contrairement à chez moi. Et ça me motive pour ce que je voudrais faire plus tard.
Mon job de rêve : faire comme les artistes que je suis sur les réseaux : ils se font connaître sur Instagram, ont une chaîne YouTube, font des lives, ont une boutique en ligne, participent à des conventions…
Ces artistes doivent répondre aux attentes de leurs abonnés, mais ils restent libres dans ce qu’ils veulent faire, à la différence de dessiner sur commande. C’est le principe de l’art : s’amuser dans ce que l’on fait.
Tout le monde a un style différent et c’est cela qui est bien. C’est ce que dit David en cours ; je le comprends. A l’école, il y a des élèves qui ne prennent des cours qu’avec David… C’est important de voir ailleurs, au musée, sur internet…
Surtout depuis que je suis chez Quartier Japon, je voulais trouver mon style et donc je suis allée regarder et chercher sur internet ce que d’autres réalisent, dans des styles différents.
Q.J. « Que les cours, chez Quartier Japon, soient très variés, c’est bien ? »
M.P. : « Il y a des cours de méthodologie pure : anatomie, hachure… Des cours créatifs : paysages, charadesign… Des cours de composition : faire une composition type tatouage…
Des cours où l’on teste différents médiums : modelages, Colorex…
Je trouve cela très bien, car cela nous aide à découvrir de nouvelles techniques, définir celles que l’on préfère, et trouver notre propre style.
C’est d’ailleurs grâce au cours de Johanna, qui a présenté le modelage, que depuis j’en fais en dehors des cours. ».
Q.J. « Tu en fais quoi de tes créations ? »
M.P. : « En général, je fais des modelages pour offrir. Je me suis dit que je pourrais faire des mascottes d’animés ou de jeux pour les vendre en convention.
Participer à des conventions me permet de développer mon projet professionnel assez tôt, pour réaliser mon job de rêve. Ce qui est bien, c’est que je n’ai pas encore la pression de me dire « ah si ça ne marche pas, ça va avoir un gros impact sur ma vie au point de vue financier ».
Q.J. « Tu as autre choses à dire ? »
M.P. : « Je trouve qu’il y a beaucoup de gens qui sont dans l’optique de progresser et qui oublient de s’amuser. C’est important de dessiner avec le même esprit que lorsqu’on était petit. ».
Kristina, maman de Maëla
Interview le 22 octobre 2021, réalisé avant celui de sa fille.
Quartier Japon : « Qui est Maëla ? »
K.P. : « Maëla est une fille de 17 ans franco bulgare. Mon mari est Français ; Parisien. Elle parle les deux langues.
Elle n’a pas de problème scolaire ni d’apprentissage ; elle n’a pas de problème de sociabilité. Elle a grandi avec c son grand frère, de 7 ans plus âgé qu’elle et avec ses copains.
Elle est même aussi jusqu’à aller en Bulgarie avec toutes ses copines à elle.
Elle était avec une bande de copains et de copines d’écoles, en primaire et au collège et aussi l’été en Bulgarie. Alors, elle découvre Quartier Japon, et toute sa passion se centre dessus.
Sa chambre est comme l’atelier de Francis Bacon : un atelier d’artiste ; c’est son monde.
Elle a toujours été timide en général avec les autres, à l’école, avec ses profs ; une retenue que je trouve parfois exagérée.
Quand je suis allée la récupérer après la convention (en septembre), j’ai discuté avec elle et avec David, son professeur de manga ; la reconnaissance de son prof. est source de motivation énorme pour Maëla. Il m’a dit que Maëla est super mais elle n’ose pas parler, aller vers les gens. Ce n’est pas grave, car on va travailler dessus.
Cette année, ce sera le Bac pour Maëla et le grand oral ; elle est plus à l’aise à l’écrit qu’à l’oral.
Q.J. « Pourquoi elle est au Cned ? »
K.P. : « Quand elle est entrée en seconde, les premiers mois, comme elles est timide, elle ne parlait pas. Mon mari travaille dans un centre d’orientation, c’est un professionnel et on a toujours beaucoup discuté en famille.
Maëla lui disait : je perds mon temps à l’école et je n’ai pas le temps pour mes projets personnels. Marc, mon mari, lui a proposé le Cned. En même temps, la crainte était « n’allait-elle pas s’isoler ? Cela n’allait-il pas renforcer sa timidité ? » Mai Marc a dit que non, car Maëla a Quartier Japon.
Au final, au premier trimestre de sa seconde, Maëla a dit qu’elle voulait s’inscrire au Cned.
C’est une condition particulière le Cned, nous lui avons alors expliqué : il faut quand même se lever le matin ; elle a dit « je gère ! »
Maëla a donc fini sa seconde avec une bonne moyenne (de 15), ce qui était la condition pour qu’elle fasse ensuite le Cned.
Elle a donc été inscrite en première au Cned, puis le Covid est arrivé…
L’ambiance classique de l’école, le système classique, ne lui permettait pas de gérer ses projets ; depuis qu’elle est au Cned, elle a retrouvé son sourire !
Cette ambiance, qui permet à Maëla de gérer ses projets et de retrouver le sourire, c’est ce qu’elle trouve chez Quartier Japon. D’ailleurs, c’est elle-même qui a trouvé Quartier Japon.
David est son prof adoré !
Je l’ai vu l’autre fois, pendant la convention : il sait valoriser l’enfant et le faire avancer. Par exemple, en lui disant « C’est bien ce que tu fais !
C’est une école à l’image de son directeur. On a de la chance que Maëla ait trouvé votre école !
Notre fils, qui a 24 ans (7ans plus âgé que sa sœur), son équilibre, il l’a trouvé dans les arts martiaux. Maëla, elle, a une grande capacité de concentration, un perfectionnisme un peu abusé. Chacun de nos deux enfants a trouvé cette échappatoire à l’école et au système scolaire ; il y a des règles dans cette société, notamment à l’école, qu‘il faut respecter, ce qui est plus facile pour eux, du fait qu’ils ont cet échappatoire.
En septembre, Maëla a été invitée par David pour aller sur le stand de Quartier Japon, pendant la convention : ainsi elle pourra dessiner et commencer à dessiner des portraits
Quand je l’ai vue, pendant la convention, elle était penchée sur son portrait et ses cheveux étaient tombés devant elle ; en même temps, c’était ainsi une protection pour elle.
Pendant la convention, elle a vécu toutes les situations : elle a déçue car un client n’a pas payé le portrait qu’elle lui avait réalisé et donné, un autre lui a laissé un pourboire, il lui fallait parler aux autres et parler plus fort, pas que pour elle !
Je suis contente de Quartier Japon.
Le japonais (que Maëla avait commencé chez Quartier Japon) : elle a abandonné, mais elle va le réapprendre et aller à l’Inalco ; car elle a vue qu’elle aura peut-être droit à un Erasmus au japon.
Q.J. « Le manga et Maëla? »
K.P. : « Elle a trouvé dans le manga ce qui lui convenait. C’est d’ailleurs une évolution logique Elle est tombé dedans directement et elle a pu s’épanouir avec le manga : depuis petite, elle dessine, est manuelle, elle créée.
Elle a essayé d’autres techniques et on lui avait proposé d’aller dans une autre école de dessin, mais elle avait refusé car elle disait qu’elle ne dessinait pas assez bien pour prendre des cours. Elle dessinait et refaisait et refaisait ses dessins jusqu’à être satisfaite d’elle-même.
Le manga, c’est par son frère qu’elle l’a rencontré.
Plus tard, au moment où elle a estimé qu’elle pouvait prendre des cours, qu’elle savait dessiner, c’est à partir de ce moment qu’elle elle a voulu aller dans une école. Elle a donc cherché et a trouvé Quartier Japon. Chez Quartier Japon, elle a trouvé ce qu’elle cherchait.
Faire les conventions avec David, c’est une nouvelle étape pour elle.
Avant, elle n’osait pas montrer et vendre ses dessins. Je lui avais proposé de faire imprimer ses dessins sur des textiles (en partie c’est associé à mon métier) et je lui avais proposé de les vendre. Mais que David lui ait proposé de venir sur le stand et de dessiner et vendre ses portraits… !!
Quartier Japon a su la motiver pour continuer, lui a donné des techniques ; ce n’est pas une école de récréation. C’est une école sérieuse, dans une ambiance joyeuse, créatrice et respectueuse des élèves.
Cette école lui a donné envie et de se canaliser ; elle lui a permis de se donner un prisme. Maëla sait ce qu’elle ne veut pas ; elle ne veut pas être mangaka, au sens de devoir dessiner plein de planches. Par contre, cette année, elle est à fond dans le fanzine (le fanzine de fin d’année scolaire de Quartier Japon, auquel peuvent figurer les élèves retenus par David).
Sur le stand pendant la convention, elle a vu David qui vend ses dessins, comment il est avec les gens, les clients… Et Il y a une projection de la part de Maëla.
David professeur de manga de Maëla
Interview le 18 novembre 2021, concernant son élève Maëla.
Quartier Japon : « Tu peux me parler de Maëla ? »
David : « C’est une élève que l’on a depuis trois ans, je crois. On l’a rencontrée au début le dimanche, pour les ateliers ponctuels. Elle a fait toutes les formules : les ateliers ponctuels les dimanches, les stages et c’est maintenant sa deuxième ou troisième année de formation tous les samedis.
Au début, elle a participé aux cours le dimanche, puis elle faisait aussi des cours de japonais le samedi de japonais avec une autre élève. Parfois, elle venait aussi au manga après ses cours de japonais, avec l’autre élève avec laquelle elle prenait des cours de japonais, qui, elle suivait la formation annuelle de manga. Ainsi, elle a fait partie de la famille : elle parlait avec tout le monde et elle s’entendait avec tous, les élèves de la formation de manga. Ca se passait super bien avec elle.
Q.J. « Tu peux me parler de Maëla, en tant qu’élève ? »
D. : « Moi, j’adore ! Car on ressent, à travers sa participation aux cours, qu’elle veut progresser. Elle n’a pas peur de sortir de sa zone de confort pour progresser : même si parfois je la taquine un peu, même si certains des sujets de cours, ce n’est pas trop son style - par exemple, le cours sur les muscles ou, sa hantise, le cours sur les dragons - elle était en panique, mais malgré, elle était toujours partante pour le faire.
Q.J. « Par rapport à sa progression ? »
D. : « Je le vois sur Instagram, quand elle poste ses dessins : il y a un avant et un après ; elle a un peu changé son style, elle commence à trouver son univers graphique.
Elle commence à être plus sur le côté digital que sur le côté dessin traditionnel (au crayon). Mais c’est bien, parce qu’elle fait les deux : elle continue à faire du dessin traditionnel et sinon, elle fait tout en digital. C’est ce que je dis aux élèves, de continuer à faire les deux - c’est important - alors qu’ils veulent tous faire le digital.
Q.J. « Humainement, tu penses qu’elle a évolué ? »
D. : « Quand je l’ai vue la premier fois : elle est toute douce, elle est un peu discrète. Ce que j’aime bien chez elle : elle s’entend avec tout le monde, elle a tout de suite créé une bonne relation avec le second groupe (cours du samedi de 14h à 16h). Au tout début, quand elle faisait encore seulement que des stages, elle avait rencontré Nour, Adèle et Maud (des élèves du second cours du samedi) et ensuite, l’année suivante, elles ont fait la formation ensemble, dans le même cours. Toutes les 4, c’était l’animation du cours de 14h à 16h : quand je les voyais toutes les 4 ensembles, côte à côte, je savais que le cours allait être dynamique !!
Récemment, début octobre, cette année, on a fait un festival ensemble ; je l’avais invitée à venir sur le stand pour la convention. Pendant le festival, j’ai alors remarqué qu’elle est très timide. Je ne l’avais pas vu à l’école, car elle était avec son groupe de copines.
Je savais qu’elle était un peu discrète, mais comme en cours elle parlait avec tous, avec ses copines, qu’elle faisait beaucoup de blagues, je n’avais pas vu ce côté timide chez elle.
Pendant le festival et aussi après, je lui ai dit qu’il faut que l’on travaille sur ça !
Q.J. « Travailler sur ça (la timidité), c’est un peu sortir du manga ? »
D. : « Ouais, mais ça fait partie d’un élément important, qui est « Comment se vendre ? Comment se mettre en avant ? Comment permettre aux gens de découvrir notre œuvre ? Et vendre nos dessins ? » Car on peut être très fort en dessin et si on est trop renfermé, on garde la tête baissée sur le stand et que l’on ne discute pas avec le public, les gens vont passer à côté et ne pas forcément s’arrêter sur le stand.
Q.J. « Ton regard et ton intervention en tant que prof. de manga s’élargissent maintenant ? »
D. : « Ouais, car j’ai des élèves qui sont là depuis pas mal d’années et, surtout cette année, des élèves souhaitent s’orienter professionnellement ; j’adapte mes cours à ces élèves : plus de cours sur le marketing, comment parler au public, comment être à l’aise - des petites astuces… C’est par rapport à mon vécu, à mon expérience ; les trucs que j’utilise, moi, pour être à l’aise.
Cà, je le partage avec les élèves : ceux qui viennent aux festivals, les élèves pour qu’ils donnent des cours aux autres élèves à Quartier Japon et qu’ils mettent ainsi un pied dans le monde professionnel du manga. D’ailleurs, Maëla, j’ai prévu qu’elle intervienne à Quartier Japon comme prof.
Q.J. « C’est à dire ? »
D. : « J’aime beaucoup son univers et je vois à travers ses dessins sur Insta. qu’elle a vachement progressé sur le digital. Et je pense que ses techniques, cela pourrait beaucoup intéresser les élèves de Quartier Japon qui font du digital.
Q.J. « Tu vois ça comment son intervention ? »
D. : « Je serai avec elle et ce ne sera pas un cours de deux heures. En cours d’année, j’ai prévu un cours de démo. sur un logiciel de dessin et que moi et d’autres élèves, dont Maëla, on vienne avec notre PC. Avec le vidéoprojecteur de la salle à l’école, chacun fera alors une démonstration de comment lui ou elle utilise le logiciel et l’ordinateur.
Je sais que cela va bien marcher avec Maëla, car on sent qu’elle a envie de partager ses techniques. Elle n’a pas encore la pédagogie, mais elle a ce côté, que je rechercher chez ceux auxquels je fais appel pour faire le prof. : elle a l’envie de partager et de faire progresser l’autre. Pour moi, c’est le plus important.
Même si elle n’a pas la pédagogie au début, elle va l’apprendre. Par contre, l’envie de partager et de transmettre, cela ne s’apprend pas : on l’a ou on ne l’a pas.
Q.J. « Et comment tu as senti qu’elle l’a, elle ? Surtout qu’elle est timide ? »
D. : « A l’école, elle est assez ouverte. Quand elle voit un dessin d’un autre élève, elle essaye toujours de mettre en valeur les points forts, de donner des conseils. Elle est timide pour mettre en valeur ses dessins à elle, mais pour mettre en valeur ceux des autres, elle est moins réservée.
Ce que je transmets aux élèves qui veulent devenir pro ?
Je me retrouve un peu en eux : je ne savais pas trop quoi faire, au début, je ne me sentais pas vraiment légitime pour donner des cours. Pour participer aux festivals, ça m’aurait fait du bien de d’avoir un mentor : pour négocier un stand, comment agencer mes dessins…
A présent, j’essaye de me mettre dans la posture d’il y a dix années de cela : de quoi j’avais besoin et de quels conseils j’aurais eu besoin pour avancer plus rapidement.
Q.J. « Autre choses à dire sur Maëla ? »
D. : « Maëla a quelque chose que beaucoup d’élève et moi on recherche : son rythme de narration et comment elle réussit à faire des planches humoristiques.
Elle est méga forte pour faire des planches qui font rire. Pour le tome six du fanzine de fin d’année de Quartier Japon, elle a fait des planches sur l’école et les cours de manga, avec elle, moi et toi Stéphane et elle nous a faits hyper rire.
C’est hyper dur, car c’est très différent de faire rire dans la vraie vie et dans les manges, car il faut un rythme, des chutes, des transitions adaptées… Et Maëla a cette capacité et cette lecture. Elle a un sens de l’observation et son rythme fait que ses planches sont parfaites !
Moi, j’ai du mal à faire ça. Et des élèves qui, dans la vraie vie sont pourtant drôles, ont du mal à le faire dans leurs planches. Maëla est, dans la vraie vie, discrète et timide, mais dans ses planches, elle y arrive.
Maëla a une capacité d’observation et elle peut découper ses planches, choisir les bonnes cases, des bons plans, pour faire comprendre ses scènes à n’importe qui, même à des personnes qui n’ont pas vécu la scène. C’est dur, de faire des planches qui font rire une personne qui ne connait pas la situation à l’origine de la planche, une personne qui ne l’a pas vécue. Ce n’est pas évident. Par exemple, si Nicolas (Président de Quartier Japon) lit une planche concernant ce qui se passe pendant les cours de manga, va-t-il rigoler ?, comprendre la chute ? Comprendre la chute de la planche alors qu’ils n’aura pas vécu la scène que la planche décrit, l'a comprendrait-il ?
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