Stéphane
De temps en temps et plus encore en période de stress (pour x raison que j’ignore) affluent des demandes par mail et par téléphone de contenus japonais ; des demandes / exigences toujours pressées et parfois bizarres :
« Nous sommes une agence évènementielle et nous cherchons pour un évènement, la semaine prochaine, des danses de Geisha et de Samourai ! »
« Je veux offrir en bon cadeau un cours de calligraphie. C’est assez pressé : c’est pour demain ! »
« Je veux inscrire mon fils au cours de manga de demain. »
« Nous voulons offrir son portrait en manga, en format affiche, pour un collègue qui part de l’entreprise. Merci de m’indiquer vos conditions. C’est pour lundi » (nous sommes le vendredi…) ...
C’est toujours au dernier moment, toujours pressé, et généralement, la question « Combien ça coûte ? » fait aussi partie du message.
A part ces désidératas, aucune préoccupation quant à la faisabilité, s’il reste de la place au cours souhaité… L’important, c’est que ça soit tout de suite et tel qu’on le veut. Comme n’importe quel produit manufacturé que l’on peut acheter et consommer en 2-3 clics sur un site Internet !
Chaque fois, je tombe des nues, puis je m’en énerve, de ce type de contact de consommation culturelle. D’autant que d’autres personnes, heureusement plus nombreuses, sont dans un tout autre rapport quand elles prennent contact pour un cours, pour un bon cadeau, pour un évènement…
Dans ce cas, leur demande ne me donne pas pour impression de n’être basée que sur un simple rapport de consommation.
Il y a autre chose, liée à la relation humaine, le désir de découverte et de faire partager, l’humilité face à une autre culture…
De plus en plus, j’ai tendance à ne privilégier que ce second type de demandes… Certes, c’est plus agréable pour moi, je ressens et reçois davantage de belles énergies qui me donnent envie et la force pour continuer ce que je fais. Au-delà, il y a également, me semble-t-il, bien autre chose en rapport avec la culture japonaise.
Cette seconde attitude, que je qualifierais d’humble, me semble particulièrement en adéquation avec la culture japonaise.
Et vous, qu’en pensez-vous de cette question que je me pose : Dès lors que l’on ne se positionne pas dans une position et dans un état d’esprit humble face à l’autre et à sa culture différente, peut-on l’appréhender autrement que de façon superficielle ? Donc dans un rapport de consommation.
Par contre, lorsque l’on est affectivement dans une attitude d’humilité, ce serait comme si on pouvait trouver le dénominateur commun entre nous et la culture japonaise, par exemple.
Ainsi, une fois la barrière des clichés, des aprioris et des fantasmes passée, on accèderait alors par une petite porte de service qui donnerait sur l’intérieur de la résidence « Japon - Culture japonaise ».
Quelque chose de nous et de notre nature pourrait dès lors être reliée à cette autre humanité puis pourrait être imprégnée de ce qui fait la culture japonaise au-delà des clichés, au gré des échanges avec des Japonais.
Petit à petit, au gré de nos rencontres et de nos expériences japonaises, une partie insoupçonnée de nous-même s’ouvrirait et croîtrait progressivement, alimentée par une « partie en résonance » rencontrée dans ces relations avec des interlocuteurs Japonais.
Delà, progression possible dans notre pratique de la langue japonaise comme dans la pratique des autres arts japonais (calligraphie, ikebana…).
Une lente imprégnation forcément concomitante à une modification de nos façons d’être, de penser et d’être en relation avec d’autres êtres humains s’ensuivrait, en même temps que l’on se sentirait plus proche des Japonais et de la culture japonaise.
En contrepartie, la distance s’accroîtrait d’avec les personnes aux modes de fonctionnement essentiellement basés sur la consommation immédiate et le « commerce culturel ».
Bien sûr, cela ne me semble pas valable uniquement vis-à-vis de la culture japonaise et des Japonais, mais bien valable pour toutes les cultures.
Mais peut-être ce qui fait la différence entre les Japonais et certaines autres cultures, c’est que cette attitude basée sur l’humilité et la modestie, comme étant un prérequis indispensable pour toute imprégnation de leur culture, me semble plus nécessaire, voire indispensable.
Parce que la culture japonaise et le rapport interhumains basés sur la modestie sont l’une des clés de la civilisation japonaise.
Article paru initialement le 30/03/2015
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