Interviews de juillet 2017 autour de la 2nde édition « Fanzine »
Pour cette seconde édition du fanzine, j’ai pensé qu’il pouvait être intéressant de retrouver David et Eric, afin de recueillir leurs expériences respectives sur cette nouvelle expérience.
D’autant plus qu’ils avaient tous les deux déjà vécu l’expérience de la première édition du fanzine en 2016, ils allaient pouvoir nous parler de leur motivation, sur une si longue période, de leur évolution quant à ce projet et à leurs réalisations respectives. David allait également pouvoir nous faire part de sa prise de recul, d’un point de vue pédagogique et du point de vue du chef de projet.
Dans le cours de l’interview avec Eric, Eric m’a tout naturellement parlé d’Alex, un nouveau participant à la formation de cette année et néanmoins déjà retenu pour participer à la 2nde édition du fanzine. Ainsi, Alex pourrait nous donner son point de vue, tout neuf, d’un nouveau participant à ce beau projet. Quartier Japon les remercie tous les trois pour leur contribution, ainsi que tous les participants, de près comme de loin, qui auront contribué à la réalisation, à la publication, ainsi qu’au succès de ce Fanzine tome 2 !
David / Mister Mango
Interview réalisée quelques semaines après Japan Expo, fin juillet, après la publication du fanzine.
QJ : David, tu as proposé aux élèves, cette année, de faire une version 2 du fanzine. Ca a été reçu comment ?
DD : Le fanzine, c’est le projet des élèves qui prennent des cours de manga à l’année. Chaque année, je propose donc de continuer et de faire le tome suivant. Les élèves sont à fond sur ce projet : c’est comme s’ils allaient sortir leur propre manga. Je me mets leur place : à leur âge, si j’avais la possibilité de sortir le manga que j’ai en tête et de le sortir pour le plus grand salon d’animation, Japan Expo, je serais moi aussi à fond.
QJ : Aussi bien les anciens que les nouveaux élèves ?
DD : Surtout les anciens. Les anciens comme les nouveaux élèves, ils sont tous à fond. Au début, ce projet, ça enchante tout le monde, mais au bout d’un moment, après plusieurs semaines de travail sur son manga, certains se rendent compte que c’est difficile de finir un chapitre. Il y a des élèves motivés au début, qui se rendent compte, par la suite, que c’est difficile de créer son manga. Mon but à moi, c’est de leur dire « oui, c’est difficile de faire un manga jusqu’à la fin, mais ce n’est pas impossible ». C’est ça, ce que je veux leur montrer. Par exemple, si on prend l’exemple d’Eric - je me sers souvent de l’exemple d’Eric – j’aime bien montrer aux élèves la première et la seconde version de l’histoire d’Eric, réalisées respectivement pour le premier et le second tome du fanzine. Pour montrer l’évolution d’un élève et l’évolution de son travail, Eric, c’est vraiment l’élève typique : quand il a rendu son manga pour le premier fanzine, il était vraiment déçu par son travail (voir interview d’Eric à la fin de fanzine 1). Par contre, après avoir rendu son manga pour le fanzine 2, il était satisfait de son travail. Eric n’est jamais satisfait à fond, mais là, ça se voyait dans son regard. Pour le tome 1 du fanzine, il avait honte de montrer son travail, à la fin mais là, pour le tome 2, il était content.
QJ : Toi, par rapport à l’expérience de l’an passé, tu as abordé comment ce projet ? Tu étais partant ou tu y allais un peu à reculons ?
DD : Non, du tout. Quand je vois des jeune aussi motivés, cela me booste, j’ai envie de tout faire pour les accompagner dans leur projet. L’an passé, il y avait eu des moments difficiles ? Oui, c’est justement ce que j’ai dit aux élèves, qu’il y a eu des moments difficile pour la réalisation du tome 1. Tous ces moments difficiles, des propres erreurs de l’an passé, il faut les prendre en compte pour corriger et améliorer l’expérience pour le tome 2 du fanzine et c’est ce qu’on a fait et ce second tome a été plus agréable à faire que le premier.
QJ : C’était quoi ces erreurs du premier tome que tu as surmontées ?
DD : Le temps, en premier. Cette année, on s’y est pris plus tôt que l’an passé, pour ne pas être dans le rush de l’an passé. L’an passé, à une semaine de Japan Expo, on en était encore à corriger certaines des planches. Encore par rapport à Eric, après le premier tome, l’an passé, j’étais un peu déçu qu’il n’était pas fier de lui et que de son travail il en avait honte. Pour moi, c’était un échec, car je suis le prof et mon but à moi, c’est que les élèves donnent tout pour donner le meilleur d’eux-mêmes. L’année dernière, j’aurais dû stopper Eric au moment quand je me suis rendu compte qu’il n’avait pas le niveau pour sortir un manga dont il aurait été fier, et lui dire qu’il n’était pas prêt. Cette année, pour le tome deux, c’est ce que j’ai fait avec certains élèves.
QJ : Et leur dire « non », c’est… ?
DD : C’était dur. Quand j’ai lancé le projet du tome deux du fanzine, pleins d’élèves étaient à fond, dont les anciens mais aussi et surtout les nouveaux, qui avaient un aperçu du tome un et qui se disaient qu’eux aussi ils pouvaient faire pareil que les élèves du premier tome. Mais non, tous n’avaient pas le niveau. Il fallait trouver les bons mots pour leur dire qu’ils n’avaient pas le niveau pour figurer dans le tome deux du fanzine. Il fallait aussi leur faire comprendre que ce n’était pas une question de niveau, mais d’expérience et que le but, ce n’était pas qu’ils sautent des étapes et qu’ils se précipitent pour faire sortir leur manga. Car je ne voulais pas qu’ils aient ensuite la même réaction que celle qu’avait eue Eric. C’était mieux qu’ils soient plus patients et qu’ils travaillent bien les bases du dessin, pour que l’année suivante, ils puissent produire quelque chose dont ils seront fiers dans le prochain fanzine.
QJ : Cette expérience, au sens général, elle t’a apporté quoi, humainement et pédagogiquement ?
DD : Humainement : c’est plus le plaisir de voir les élèves être à fond dans leur projet qui m’a poussé à poursuivre ce projet. Moi, perso, c’est un projet que j’avais déjà réalisé avec d’autres amis auparavant et j’avais déjà vécu cette expérience, ce sentiment d’excitation tout au long du projet. Je voulais les faire partager aux élèves. Pédagogiquement : sortir son manga, cela fait qu’on va beaucoup plus loin que de travailler et d’enseigner les bases du dessin. On va jusqu’à l’étape ultime, sortir ses planches manga, jusqu’à la plus grande finition dans ce que l’on va montrer au lecteur.
QJ : Je reviens sur le fait que tu as eu à dire « non » à certains élèves. C’était comment pour toi cette expérience ? J’insiste sur ce point, d’autant que je te connais et que je suppose que cela n’est pas quelque chose que tu sois habitué à faire.
DD : Je savais que si je craquais face à ces élèves, qui n’avaient pas le niveau pour publier leur manga dans le fanzine, et que je leur disais « ok on y va », je savais que leur déception une fois le fanzine terminé et publié, cette déception, elle allait être multipliée par dix. Je savais aussi que les réactions des clients, des lecteurs de Japan Expo notamment, allaient être fortes ; ils critiquent beaucoup. Et ces élèves, que j’aurais laissé publier leur manga alors qu’ils n’avaient pas le niveau, ils se seraient pris en plein front ces réactions et ces critiquent des lecteurs. Si je prends l’exemple d’un élève du cours du samedi matin, qui 8 ans, auquel j’ai refusé qu’il publie son travail dans le fanzine : il faisait partie des nouveaux inscrits de cette année méga motivés par ce projet ! Motivé, certes, mais avec un grand manque d’expérience ; cela se ressentais à travers ses planches manga. A différentes reprises, je lui ai dit de corriger certains erreurs, mais je ressentais qu’il ne comprenait pas ce que je voulais dire, les corrections que je lui suggérais de faire, et qu’il continuait plutôt de n’en faire qu’à son idée. En mars-avril, pendant les vacances scolaires, il avait réalisé environ quinze planches de son manga pour le fanzine, chez lui. Au retour des vacances, quand il me les a montrées, j’ai été honnête avec lui : je l’ai félicité car c’était du boulot ce qu’il avait fait. Mais je lui ai dit que l’on ne comprenait pas son histoire et qu’il y avait trop de blanc entre certaines parties et dans certaines vignettes… Et je lui ai dit qu’il n’était pas prêt mais que l’an prochain, par contre, il pourrait peut-être publier dans le prochain fanzine. Il n’a pas compris et s’est mis à pleurer. C’est dur de faire comprendre ça à un enfant. Prenons le cas d’une autre participante à laquelle j’ai également dû refuser de publier son manga dans le fanzine : c’est une adulte du groupe du mercredi. Pareil, avec elle aussi ça a été dur. Avec elle, j’ai été plus sec et plus franc qu’avec l’enfant, car c’était une adulte. Comme pour l’enfant, dans son manga, il y avait beaucoup de cases dont on ne comprenait pas l’utilité, trop d’éléments qui ne servaient à rien, de mauvais choix de plans… C’était dur de lui refuser de publier et de lui pointer ses erreurs, car malgré ses lacunes, elle avait beaucoup travaillé et lui annoncer qu’elle n’était pas prête pour le second tome, je crois qu’elle l’a mal pris. C’est une personne un peu figée dans ses idées et quand je lui disais ce qui n’allait pas dans ses planches, elle trouvait toujours une excuse pour contrer ma critique ; elle n’acceptait pas trop les critiques. C’est le genre d’élève qui progresse le moins possible.
QJ : J’ai l’impression que c’est plus facile pour toi, désormais, de dire les choses par rapport aux années précédentes ?
DD : Oui, d’autant que là encore je me sers de l’exemple d’Eric et de la déception qui a été la sienne pour expliquer aux élèves que s’ils réagissent pareils que lui, l’an passé, ils auront le même résultat qu’Eric, au sens où si je les laisse persévérer alors qu’il est pourtant clair qu’ils n’auront jamais le niveau à temps pour figurer dans le fanzine, ils auront eux aussi cette semblable déception. C’est beaucoup de travail, que de terminer son manga, et si, au final, tu es déçu par ce que tu as réalisé, ce n’est pas le but… Il faut se lancer à fond et aimer ce que l’on fait.
QJ : Prêt pour le tome 3 du fanzine ?
DD : Oui ! Et encore plus motivé, car les nouveaux élèves de cette année qui n’ont finalement pas pu être publiés dans le tome deux, certains d’entre eux ont bossé comme des fous pour sortir leur histoire pour le tome deux et ont accepté de reporter leur travail pour une publication de leur manga corrigé et amélioré dans le tome trois et j’ai hâte de leur montrer qu’ils n’ont pas attendu pour rien et que la patience, ça paye ! Il faut de la patience, il faut être persévérant. Dans le tome deux, ce que l’on n’avait pas fait dans le tome un, ce sont des planches teasers, qui annoncent le tome trois et les histoires qui y figureront. Les élèves ont fait chacun une illustration qui tease leur histoire qui apparaitra dans le tome trois. Je suis persuadé que le tome trois sera encore meilleur que le deux. C’est le but, d’ailleurs, que chaque année, le tome suivant est encore meilleur que le précédent. Et c’est le cas. Dans le tome deux, il y a trois histoire du tome un qui continuent et je suis content car on voit nettement une progression. Le chapitre de Mila et Evan, deux sœurs très soudées et élèves de l’an passé, l’an passé, elles ne se sentaient pas prêtes pour publier dans le tome un. Depuis l’an passé, elles ont travaillé beaucoup pour sortir leur manga dans le tome deux et finalement je suis content de leur histoire et c’est l’une des histoires qui accroche le plus le lecteur.
QJ : Justement, quelles ont été les réactions du public face au tome deux du fanzine ?
DD : Il y a eu quelques messages sur Facebook. En termes de qualité, le tome deux est plus pro que le tome un. Pour certaines histoires, on n’a pas l’impression que ce sont des élèves, comme par exemple l’histoire d’Alexandre (Alex), 15 ans, qui les ont faites Alex, c’est l’exception : c’est le seul participant du tome deux qui était nouvel élève cette année. Aux nouveaux élèves, je leur avais dit qu’il vaut mieux être patient et travailler cette année pour sortir leur histoire dans le tome trois. Finalement, pourquoi Alex a été le seul élèves nouveau à avoir participé au tome deux ? Car il est l’élève modèle : malgré son haut niveau en dessin, il prend en compte tout ce qu’on lui dit, les conseils venant aussi bien de moi que d’élèves débutants. Il les prend en compte pour progresser. Alex, il a un bon niveau en dessin mais, niveau planche, il a eu du mal pour raconter son histoire sous forme de planches. C’est pour cela que j’avais d’abord réagi avec lui comme avec les autres élèves quand j’ai vu ses planches au début : on ne comprenait pas son histoire, ce qu’il voulait dire et où il voulait en venir… Il fallait qu’il corrige car ce n’était pas bon. Dans ma tête, je pensais qu’il n’était pas prêt, comme les autres et qu’il fallait qu’il attende l’an prochain. Mais finalement, je me suis bien fait avoir, car j’ai sous-estimé sa détermination à devenir mangaka. Il a travaillé son manga à fond, alors qu’en parallèle il devait se préparer pour un examen scolaire et, malgré cela, il a travaillé comme un fou, il a pris pleins de manga dans l’armoire-bibliothèque de l’école, pour s’en inspirer et, vers les derniers mois, il m’a montré son travail, qui n’avait plus rien à voir avec ce qu’il m’avait montré au début. En fait, c’est ça le secret, de prendre en compte les critiques et les conseils et, avec cela, travailler aussi bien pendant les cours de manga qu’à la maison. C’est ça qui fait qu’il a pu sortir son histoire dans le tome deux et, selon moi, il a largement toute sa place dans le tome deux.
QJ : Un mot final ?
DD : Je suis content du résultat de ce second tome du fanzine. Les retours des clients à Japan Expo, ils n’étaient que positifs et cela motive encore plus les élèves à croire en eux : avec de la volonté, du travail et beaucoup d’entraide, tout est possible !
Eric, 24 ans – en seconde année de formation de mangaka
Interview réalisée quelques semaines avant Japan Expo, courant juin, avant la publication du fanzine.
QJ : Il y a des choses que tu veux dire au sujet de ce projet et de cette expérience, du fanzine 2, toi qui a participé au fanzine 1 l’an passé ?
ES : Les premiers mots qui me viendraient : « Je suis content, content du travail accompli, de la présence des nouveaux participants dans le fanzine : ils ont assuré ». L’an passé, pour la première édition du fanzine, nous l’avons terminé à l’arrache, car nous n’étions pas prêts, pour pouvoir être diffusés à Japan Expo. Cette fois, pour le tome deux, on s’est préparé bien à l’avance. Plein de personnes voulaient participer et être publiés dans le fanzine deux, mais finalement, c’est le travail qui a fait le tri : le travail que certains ont pu fournir tout au long de ce projet, de façon constante. Je suis fier de ce qu’on a réussi à faire ; c’est la couleur générale de mon ressenti. L’an passé, pour ma part, j’étais déçu par mon manga : j’avais sorti le truc mais je n’étais pas prêt et cela ne reflétait pas ce que je voulais créer. Cette année, je suis content d’avoir pu publier mon manga tel que j’avais envie qu’il apparaisse. A chaque fin de fanzine, je suis content d’avoir fini, mais j’ai aussi envie de reprendre et supprimer les défauts qui persistent, de les effacer et de m’améliorer. Cette fois, même si je suis content de ce qu’on a fait, j’ai aussi envie d’aller encore plus loin.
QJ : Y a-t-il autre chose pour lesquelles tu es content ?
ES : Surtout par rapport aux planches que j’ai faites : cette année, j’ai vraiment le sentiment d’avoir passé un cap. J’ai fait un pas en avant vers quelque chose de mieux. Je ne sais pas comment dire ça parfaitement… Auparavant, je sentais depuis deux ans que je dessinais que ne je m’améliorais pas mais avec le fanzine, j’ai senti que j’ai franchi un pas et que je me suis amélioré. Un pas qui va peut-être déboucher sur un autre pas, une première marche ?
QJ : Qu’est ce qui a fait qu’il y a eu ce pas, ce déclenchement en toi ?
ES : David est toujours là pour me pousser, il me disait « si tu n’es pas content, refais tes planches et je t’accompagne ». C’est ce que j’ai fait et il était bien derrière moi. J’ai ainsi pris une petite confiance en moi. Ce que j’ai publié dans le fanzine de cette année, ce sont les planches de l’an passé, car je ne voulais pas que les gens gardent uniquement en tête l’image des planches de l’an passé. Cette année, j’ai voulu refaire les planches de l’an passé mais avec le trait que j’ai à présent et qui me correspond plus. Oui, mon trait a sensiblement changé, d’autant que je prends plus le temps de dessiner et de dessiner les détails. Ce qui fait que le résultat est beaucoup plus proche de ce que je souhaite dessiner au départ.
QJ : Pour toi, le fanzine c’est quoi finalement, cette année ?
ES : C’est le diplôme de Quartier Japon, c’est l’examen des cours de David. Si on réussit, on est publié et si on ne l’est pas, ce sera pour l’année prochaine ou les suivantes. Comme ce sont des cours assez ludiques et pour lesquels il n’y a pas d’examen, ce ne sont pas des cours académiques, si on ne veut pas progresser, on ne peut pas être publié. C’est David qui fait le choix de te publier ou de ne pas te publier dans le fanzine, s’il pressent que ton style tu l’as ou ne l’as pas assez travaillé pendant l’année. Clairement, c’est un examen. C’est normal que ce soit David qui choisisse, car c’est le professeur. Il est très juste dans ses choix. Au départ, on était une douzaine à vouloir faire le fanzine, en début d’année, et au final on s’est retrouvé à 6. Certains ont essayé d’aller jusqu’au bout du projet et de dessiner autant de planches que nécessaires pour être publié, mais ils n’ont pas été choisis. Car leur histoire n’était pas finie, le travail ne correspondait pas à la ligne éditoriale que David souhaitait préserver (des valeurs mises en avant comme la collaboration, plutôt que vouloir s’imposer en écrasant les autres…), ou tout simplement parce que les planches produites dénotaient un manque de travail et n’étaient pas abouties.
QJ : Par rapport aux autres élèves ou par rapport à l’ambiance autour du projet du fanzine, tu as des choses que tu voudrais dire ?
ES : Comparé à l’an passé, les élèves étaient quand même meilleurs et plus attentifs. Ils avaient le sentiment que David pouvait les pousser à s’améliorer et ils n’hésitaient donc pas à lui poser des questions ou à rester plus longtemps en cours, après le cours, pour s’améliorer. Cette année, beaucoup d’élèves souhaitaient monter d’une marche et s’améliorer. Quand on regarde le style de dessin de certains en début et en fin d’année, on voit une nette amélioration ; c’est ce qui est intéressant.
QJ : Toi, en tant qu’ancien, ayant déjà vécue cette expérience, comment as-tu vécu cette expérience cette seconde année ?
ES : Les premières années pendant lesquelles j’ai pris des cours chez Quartier Japon, j’ai appris des trucs tout en s’amusant, chacun venait avec son style de dessin, on voyait de nouvelles techniques mais cela restait assez simple. A l’époque, j’ai eu du mal à m’améliorer et mon style n’avait pas tant évolué pendant ces deux années. Avec le projet du fanzine, j’ai commencé à changer mon coup de crayon et j’avais désormais pour but de m’améliorer. Aujourd’hui, c’est vraiment mon objectif, que, d’être de nouveau publié sur le fanzine et de travailler pour y arriver. Auparavant je ne travaillais pas vraiment chez moi en dehors des cours. Aujourd’hui, même si j’ai encore du mal, je le fais beaucoup plus.
QJ : D’après ce que j’entends, le projet fanzine est vraiment un aiguillon ?
ES : Oui, tout à fait. Réaliser une histoire manga, ça oblige à s’améliorer : on travaille tout, les plans, l’histoire, l’anatomie, beaucoup d’aspects dont on ne se rend pas compte qu’ils existent quand on lit le manga. Par contre, on s’en rend compte quand on créé l’histoire, par exemple il y a beaucoup d’éléments auquel il faut prêter attention afin que la lecture soit fluide et ne soit pas un calvaire pour le lecteur. C’est ce sentiment qui me fait dire que le projet fanzine, c’est le coup de pieds aux fesses pour s’améliorer.
QJ : Cette année aussi, comme l’an passé, il y a eu des moments difficiles ?
ES : Oui, car je ne voulais pas avoir aboutir au même résultat que l’an passé quand le fanzine avait été terminé. Vouloir s’améliorer, c’est une chose, mais souvent, c’est un processus lent, pas immédiat. Mais quand on a à peine deux mois pour faire son manga pour le fanzine, et que l’on doit changer son style de dessin… C’est sûr, c’est plus difficile. Comment ça s’est traduit cette difficulté ? Quand on n’arrive pas à voir le bout du tunnel pendant longtemps puis quand enfin on passe ces épreuves, ce tunnel, et que l’on arrive à être satisfait de ce que l’on a réalisé ! Ce qui fait que l’on sait que l’on a passé les épreuves, je pense que c’est la satisfaction que l’on ressent. A de nombreuses reprises, je n’avais pas envie de dessiner, mais il me fallait le faire si je voulais terminer mon manga en en étant satisfait et, au final, quand on achève ce que l’on devait faire et que l’on est content, c’est ça, le sentiment de satisfaction. Je me suis basé sur mes sentiments pour savoir que j’avais passé les épreuves ; toujours au feeling.
QJ : A travers cette seconde expérience, tu as acquis quelque chose ?
ES: Oui, totalement, aussi bien techniquement au niveau du dessin, qu’au niveau de mes sentiments : pour la première fois, j’ai senti une grosse fierté de sortir quelque chose dont j’étais satisfait. Au bout d’un moment, c’est beau de se remettre en question, mais c’est bien aussi d’être content et fier de ce que l’on a accompli !
QJ : Comparé à l’interview de l’an passé, au vu de ce que je ressens, la tonalité de ce que tu me dis est complètement différent par rapport à ce que tu me disais l’an passé. Ce qui s’en dégage, c’est le jour et la nuit. Ca te dit quelque chose ?
ES : Ah oui ? Quand j’y repense, alors qu’on était en plein encrage l’an passé, j’étais déçu par mon travail, mais je poursuivais quand même. Cette année, une fois le fanzine fini, j’ai même eu des moments où j’ai eu envie de montrer ce que j’ai fait. L’année dernière, quand je leur avais montré le fanzine, des amis m’avaient dit « Ce n’est pas toi ce que tu as dessiné ! » Ils attendaient beaucoup plus de moi. L’an passé, je m’étais mis la barre très haute, quant à ce que je voulais obtenir comme résultat, mais je n’avais pas fait le nécessaire pour la franchir. Cette année, je l’ai atteinte et l’année prochaine, je pense même la franchir. Cette année, j’ai placé la barre justement pas trop haute, mais à la fin de cette année, je me suis dit je vais la dépasser. L’an passé, je pense aussi que ma déception tenait au fait que j’avais mis la barre trop haute, quant à ce que je voulais réaliser. Je n’avais pas respecté certaines des étapes intermédiaires. Je crois que je te l’avais dit l’an passé, que j’avais été un peu arrogant. Je pensais que tout allait bien marcher, facilement. L’an passé, à cette même période, je faisais encore mon encrage, alors que cette année, mon manga pour le fanzine est fini et, limite, j’ai envie de le montrer. L’an prochain, il faut que je me donne les moyens pour dépasser cette barre.
QJ : A travers toute ton expérience, y compris l’expérience, humaine, tu penses que cela peut avoir ou avoir une action vis-à-vis des autres élèves et des autres participants au projet ?
ES : Je ne pense pas… Quoique, si, peut-être. Cette année, je ne l’ai pas beaucoup montré, mon sentiment de fierté pour mon travail. Certains élèves, qui avaient lu le fanzine 1 connaissaient le premier chapitre de mon manga et en voyant le second ils m’ont félicité. Mais je ne l’ai pas beaucoup montré. J’ai quand même toujours voulu bien faire mon travail, comme quand on fait un travail et je ne vais pas chercher de félicitation. Et au final, cela a payé. Vis-à-vis des autres participants, des autres élèves de la formation de mangaka et notamment des nouveaux ? Parmi les nouveaux qui sont dans le fanzine cette année il y a Evane et Mila, Alex et Lucy, il y a pas mal de nouveaux cette année. Ces trois-là ont accompli un travail formidable : ils ont respecté les délais, ils n’ont pas fait les erreurs que nous avions faites l’an passé, alors que c’est pourtant leur premier fanzine. Je ne les ai pas énormément conseillés, je ne leur ai pas dit grand-chose. C’est David qui a trouvé les erreurs sur leur manga et qui les a guidés. Parmi les élèves de la formation, il y en a qui sont très très bons, qui savent dans quelle direction ils vont. Le travail, ça se paient et forcément, ceux qui ont travaillé se retrouvent dans le fanzine. Pour d’autres, c’est dommage mais ils ne sont pas dans le fanzine. Cette adulte du mercredi, je trouvais qu’elle avait pas mal travaillé, mais pour David, son travail ne pouvait pas apparaitre sur le fanzine. Il a reconnu qu’elle s’était donné les moyens pour être publiée mais malheureusement pour elle, ça ne pouvait pas être pour cette année, pas pour la Japan Expo.
QJ : Autre chose ?
ES : Oui, je suis encore déçu que mon frère (13 ans) ne soit pas encore cette année sur le fanzine. Je pense qu’il le veut mais qu’il ne le veut pas assez fort. Il pourrait tellement se donner les moyens, mais il se bride tout seul. David lui donne pourtant des conseils, mais il se bride. Il ne fait pas le nécessaire. Au niveau de l’histoire, il déborde d’idées. Il se bride lui-même au sens où il essaye de filtrer ses idées. Mais comme il filtre toute ses idées, au final on obtient des trucs pas potables, qui ne vont pas ensemble. Par mon expérience, je pourrais l’aider et d’ailleurs, je ne m’en prive pas, de lui donner des conseils. J’ai pas à dire que j’ai la science infuse parce que je suis élève depuis plus longtemps que lui ; il a des moment où je sais que ce n’est pas facile, car je les ai moi-même vécus. Je peux lui dire « si tu veux, je te donne mon avis sur ça ou ça ». Je peux lui fais bénéficier de mon vécue, comme d’ailleurs également auprès des autres élèves. Malheureusement, avec mon frère, on ne discute pas beaucoup : il ne montre pas forcément son travail, tout court. Malheureusement, il y a cette distance. Les autres élèves, je n’ai pas eu le sentiment qu’ils m’aient posé beaucoup de questions quand cela devenait difficile, quand ils avaient besoin de conseils. Ils étaient déjà motivés et ils savaient dans quelle direction ils allaient. Dans quelques petits moments de doutes, je leur parlais un peu, mais ce n’était pas énormément. Félicitation aux autres, à ceux qui ont participé au fanzine comme à ceux qui ont essayé. Souvent, on oublie qu’ils ont travaillé, c’est important de les féliciter. Pour cette interview, en plus de David et moi, et en remplacement d’Ernest l’an passé, je pense que tu peux demander à Alex. Alex m’a fait penser au Ernest de l’an passé, quant à sa motivation, à son envie. L’an passé, Ernest s’était donné a 200 %, mais malheureusement, on l’a perdu de vue cette année. Alex, c’est le poulain de David, cette année, comme l’était Ernest l’an passé. C’est peut-être une de mes déception de cette année : il s’était tellement donné l’an passé, et il était même déjà prêt à faire la suite de son manga pour le fanzine deux, alors qu’il venait tout juste de finir son manga pour le fanzine un, mais en deux mois, pendant les vacances d’été, il a complètement disparu (bien qu’il soit resté élève de la formation). Alex, c’est le même profil ; son dessin, son trait, je pense qu’ils ont les mêmes influences tous les deux. Entre eux deux, je pense qu’il y a quelque chose, un petit truc qui fait que c’est sensiblement la même chose.
Alex, 15 ans – en première année de formation de mangaka
Interview réalisée quelques jours après Japan Expo, le 10 juillet, après la publication du fanzine.
QJ : Comment tu as vécu ce projet ?
AV : J’étais très excité à l’idée de créer ma propre histoire. Depuis tout petit, c’est mon rêve de devenir dessinateur et quand David m’a donné l’opportunité de créer mon manga et mon histoire, je n'ai pas hésité une minute ! On ne peut pas y être indifférent. Dès l’annonce du projet, pendant le cours, je me suis mis à avoir plus d’idées et à penser au rendu final. J’étais aux anges à l'idée d'avoir la chance de créer mon propre manga ! Quand on regarde le parcours des grands mangakas, on est en admiration par rapport à ce qu’ils dessinent et ce qu'ils ont réalisé et on se dit qu’ils ont eux aussi commencé jeunes et qu'il y a peut-être une chance de suivre le même parcours. Avec ce projet, de me dire qu’à 15 ans j’ai l’opportunité d’être publié, c’est juste incroyable ! En créant son manga, on est aussi maître du monde que l’on créé, on instaure nos propres règles, notre monde, et partageons nos messages. C’est aussi un droit et une liberté d’expression.
QJ : Y a-t-il eu des aspects difficiles au cours de ce projet ?
AV : Évidemment : on a nos idées en tête, mais ce qui est difficile c’est qu’il y a certaines règles à respecter dans le manga ; par exemple, les changements de plans dans chaque case, la mise en scène ou le scénario. Maintenant, j’ai appris que le manga ce n’est pas que le dessin, c'est aussi une question de mise en scène, de théâtralisation. Ma deuxième difficulté était la gestion du temps : je suis en seconde au lycée et j’ai de plus en plus de devoirs le soir, je n'ai donc pas de temps pour dessiner. Le plus dur a été de combiner ces deux points, d’autant plus qu’on a un temps limité pour réaliser le manga. Maintenant que je sais comment ça se passe, l’an prochain, je saurai comment m’organiser, que ce soit au niveau de la gestion du temps ou pour dessiner davantage de planches. Ces quelques difficultés m'ont cependant beaucoup motivé : on entre dans la peau d'un vrai mangaka, c’est le métier qui rentre ! Plus on avance dans ce projet et plus mon rêve de devenir mangaka se concrétise...
QJ : Et y a-t-il eu des aspects difficiles au cours de ce projet, cette fois par rapport aux autres élèves, aux autres participants ?
AV : Pas du tout ! Par exemple Il n'y a pas eu de jalousie entre nous, mais ceux qui réussissaient un peu plus vite et qui avaient plus d'expérience aidaient ceux qui en avaient besoins, afin d’arriver eux aussi à dépasser leurs difficultés. Chacun était motivé et admirait le travail de l’autre : On s’entraide beaucoup parce qu'au final on est comme une famille - la famille de Quartier Japon ! C’est la magie du manga et de Quartier Japon au sens où les relations que l’on a avec notre professeur David et les autres élèves sont très agréables : on échange, on rit mais surtout on apprend beaucoup et très vite !
QJ : C’est différent par rapport aux méthodes d’enseignements du lycée ?
AV : Si le lycée pouvait être comme les cours de Quartier Japon, ce serait le rêve ! Au lycée, on ne ressent pas forcément la passion des profs qui enseignent, contrairement à David qui est toujours là pour nous motiver et nous pousser à réussir. A la fin de chaque cours, je ne veux pas quitter la salle car on s’amuse bien, on s’enrichit mais surtout on passe un excellent moment ! On sent de la part de David un plaisir de transmettre. Quand je vois les dessins et les démonstrations de David au tableau, à chaque fois, je me dis que je veux faire aussi bien que lui et arriver un jour à son niveau ! Comme je l’ai dit dans le fanzine, ce n’est pas qu’un professeur, c’est un modèle !
QJ : Parle-nous de ton histoire !
AV : Dans mon histoire intitulée « Wisland Chest », je raconte l'aventure de deux frères : Jack et Mike qui ont reçu de la part de leur grand-père la mission de trouver un coffre caché dans l'île de Wisland qui renfermerait apparemment le véritable trésor, le trésor le plus important de leurs vies ! J'ai choisi ce thème car j’ai un frère plus jeune, Anthony qui a 12 ans, avec lequel je passe la majeure partie de mon temps, parce que pour moi il n'y a rien de plus important qu'un frère ! Dans le premier extrait de Wisland Chest, je me suis beaucoup concentré sur la complicité entre les deux frères ainsi que leurs liens avec les autres personnages et j’avais beaucoup d’idées. Mais il a fallu que je retranscrive ce que j’avais dans la tête, de sorte que les gens sentent cette complicité et, pour y parvenir, je me suis inspiré de plusieurs mangas : par exemple One Piece, car il y a aussi une histoire entre deux frères ! Ce que j'admire dans One Piece, c'est l'émotion que Mr Echiro Oda (l'auteur du manga) arrive à transmettre ! Certaines parties du manga m'ont beaucoup ému ; c’est ça qui est beau dans le manga !
QJ : Y a-t-il eu des choses que tu as aimées et auxquelles tu ne t‘attendais pas ?
AV : Je ne m’attendais pas à avoir cette chance si jeune, de publier mon manga. Pendant que je faisais mes planches, je me disais « ce n’est pas bon ». Je comparais ce que je dessinais avec des mangas que j’avais sur ma table ainsi qu'aux planches de David et je trouvais que mon niveau n’était pas suffisant. Pendant les cours, quand David passait à ma table, il m'aidait et m’encourageait et ça, ça me faisait super plaisir ! Une fois le manga terminé, je ne m'attendais pas à ce retour des personnes qui lisaient le fanzine : ils voulaient même des dédicaces lors de la Japan Expo ! Je n'ai montré mon manga à ma famille que lorsqu'il a été terminé ! Et tous étaient surpris de mon premier extrait ainsi que du fanzine ! On a même fait une petite fête pour célébrer ce premier accomplissement hehe^^ Cette année, avec le projet manga en plus de mes cours, je n’ai pas eu beaucoup de temps pour sortir et voir mes amis et malgré cela ils m’ont encouragé , c'est à ça qu'on reconnaît les vrais amis^^.
QJ : Tu penses que cette expérience te servira à l’avenir ?
AV : Évidemment ! Car comme je l'ai dit précédemment, mon rêve est de devenir mangaka ! Et puis si j'ai la chance d'exercer cette profession un jour, je dirai que ce manga c’était le point de départ d'une carrière, grâce à Quartier Japon et mon professeur David. Cela m’a aussi appris à bien gérer mon temps, mais aussi à améliorer la technique : on redessine les personnages et les décors plusieurs fois, ainsi on entraîne notre main à dessiner plus rapidement en faisant ainsi de moins en moins d'erreurs ! Depuis que cette première partie du projet est terminée et depuis que j’ai recommencé à dessiner des fan arts, j’ai vu qu’il y avait une évolution de mon coup de crayon et c’est aussi valable pour tous les participants à mon avis ^^ J’ai tendance à vouloir travailler seul et cette expérience m’a aidé à travailler en groupe : chacun m’apportait des idées, des conseils ! Justement, un grand merci à Eric qui m’a aidé à finir mon manga, au niveau de l’organisation des pages, du découpage pour créer un effet de suspense par exemple ou encore pour limiter le nombre de cases… Avec David, c’est celui qui m’a le plus aidé. Pour moi, Eric c’est un peu le grand frère du groupe !
QJ : Tu as autre chose à ajouter ?
AV : Je voulais vous remercier Mr Stéphane Paumier de nous avoir permis de réaliser ce projet, Merci beaucoup à David-sensei , qui m’a donné l’opportunité de réaliser une grande partie de mon rêve et surtout un grand merci à Quartier Japon !!! Maintenant c’est sûr : je ferai tout mon possible pour devenir mangaka, même si ce ne sera pas facile ! A ceux qui liront cette interview et qui ont les mêmes ambitions que moi : habituellement, quand on me demande ce que je veux faire plus tard, les gens ne me prennent pas au sérieux et disent que ce n'est pas possible d'exercer cette profession de mangaka,qui n'en est même pas une pour certaines personnes ! Dans ce cas, il ne faut pas se décourager parce que tout est possible si on se donne les moyens ! Il faut croire en ses rêves, ne rien lâcher ! J’ai adoré cette interview, qui était ma toute première ; ça a été un vrai plaisir !!!! Arigatoooooo !
Alexandre alias ---A.V Arts ---
Article paru initialement le 03/09/2017
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